mercredi 24 avril 2013

Quignard - Les désarçonnés

Quignard contre la dimension sociale de l'homme



Ce livre fut pour moi un coup de foudre. Il est apparu, j'ai posé mes yeux et je n'ai pu le quitter. Depuis quelques semaines, il m'emporte vers des pensées, des artistes, des idées, des images, des histoires, un tout cohérent qui me rejoint au plus intime et me fascine, c'est a dire ne cesse de me repousser et de m'attirer. J'ai voulu ainsi résumer (plus bas) chacun des 102 chapitres et prendre par ci, par la certains extraits.

Ce livre est passionnant par sa forme et par son fond. En effet, ce n'est ni un roman, ni un essai, c'est 102 chapitres en 330 pages, souvent sans lien direct les uns aux autres et même parfois relate plusieurs histoires sans relation à l’intérieur même de ces chapitres. Si de nombreux chapitres sont admirables à eux seuls, ils prennent une signification dans l'addition des thèmes touchés, des auteurs cités, des évènements racontés.
Car oui, ce livre est le livre d'un érudit, lettré, lecteur, amoureux de l'antiquité romaine, de l'étude du bouddhisme, du christianisme, de l'histoire de France, de la littérature médiévale, de l'anthropologie, de la préhistoire, de l’éthologie etc... Puis il a une capacité merveilleuse à trouver des exemples, des personnages, à les faire vivre et à ressortir la matière intime qui fera la moelle de sa démonstration.

Où se dirige tous ces faisceaux ? Vers une théorie anthropologique ambitieuse qui a vocation religieuse. Plus que cela, il souhaite enseigner (ou plutôt créer une solidarité de lecteurs) la construction de l'individu. C'est un manifeste. Manifeste de l'homme qui est sorti de la meute. De l'homme conscient de la violence humaine du groupe, l'explique, le fleurit d'exemple et appelle à une liberté en partie sciemment illusoire mais vers laquelle tendre.

Les désarçonnés ? Qui sont ils ? Ce sont les hommes qui ont vécu de manière symbolique ou réel (Saint Paul, Agrippa d'Aubigné, Louise Michel, Georges Sand, Pétrarque etc etc...) un désarçonnement. Ce sont les hommes qui sont sortis de la foule, qui ont été éclairé par une lumière si forte qui les a éblouis puis leur a permis la lucidité nécessaire pour quitter les hommes.

Ici, intervient ma passion pour l'oeuvre de René Girard. Il est évident que Quignard est proche de René Girard, il intègre dans sa pensée le mimétisme, la montée aux extrêmes, le bouc-émissaire, le phénomène victimaire fondateur de religieux et de communauté, le mythe comme mensonge à soi-même et à la communauté. Même pessimisme des communautés humaines et de sa violence éternelle. Le parallélisme va même jusque dans des détails de l’intérêt sur certains auteurs et curiosité (Catal Hayuk, Clausewitz... Hölderlin n'est il pas un personnage Quignardien ???)

Mais alors, quelle est la différence entre les deux auteurs si Quignard n'est pas seulement le continuateur de René d'Avignon ?

En quelque sorte, Quignard est en désacord sur la source de la violence et plus largement encore sur l'origine humaine.

Il n'y a pas de péché originel chez Quignard. Tout vient des profondeurs de la vie des hommes et du chemin de l'hominisation quand les hommes imitaient les animaux.

Au départ, il n'y a pas  le désir meurtrier originaire de l'homme (note sur Raymund Schwager dans quelques semaines, j’espère)  Il y a le rapport animalier du fauve et de la proie qui fabrique l'inconscient sauvage de l'homme. De fait, pendant tout le livre, Quignard développera et caractérisera dans beaucoup de chapitre, la relation humaine aux vautours, chevaux, fauves, sangliers, cerfs, rapaces, proie. Tout est ici et tout est conséquence de cela. Je crois que Quignard rend cette idée tangible par l'ensemble de ces chapitres, clin d’œil, évocations d'artistes ou de religion pour soutenir sa thèse. Il appelle autant a la raison qu'à la fulgurance de ses formules et de ces rapprochements. (pour les motivés, il faut lire ce texte très juste de Cristina Alvares qui développe cette question.)

De fait, si nous sommes des animaux que notre talent imitatif a perdu et que le langage trompe, notre mission sur terre (mais Quignard est un gourou très cool et très peu coercitif) est de nous humaniser par la connaissance de la violence humaine et par la fuite, notre mise à l'écart de cette vaste blague sanglante qu'est la société des hommes. Il faut l'avoir lu (et être sensible aux thèses girardiennes notamment) pour comprendre le charme merveilleux du livre et la tentation splendide qu'elle provoque.

Mais, derrière ce matérialisme réaliste que propose Quignard, n'y a t'il pas un manuel gnostique ? Une connaissance spirituelle d'initiés pour faire partie des élus, les clins d’œil au bouddhisme, luthéranisme  jansénisme en sont aussi le signe. Quignard remet en cause radicalement la dimension sociale de l'homme. La solidarité est le départ du crime. Le langage est d'abord un obstacle

Il peut se sentir proche du christianisme, mais comme tout hérésiarque  il prend un élément juste, le transforme et le renvoie contre sa source. Oui, la science chrétienne nous invite a un regard lucide contre l'association humaine et a percevoir la violence humaine mais le Christ nous montre le chemin d'une humanité ayant soif de communion, sauvée. L'Evangile ne montre pas la violence comme essence de l'homme. La création reste bonne en elle-même. L'Eucharistie, alors, est cette ligne de crête qui permet à l'homme de reconnaître la violence humaine et sociale (comme Quignard le reconnait lui-même) mais en plus d'atteindre la vrai communion humaine attendue par tous les cœurs humains. (Le premier chapitre relate un acte (reel?) où une eucharistie est utilisée pour un sacrifice païen pour sauver la santé du roi de France Charles IX) Le christianisme propose une véritable communion, Quignard propose une solidarité désincarnée des lecteurs. Le christianisme nous propose de devenir des moutons égorgeables, Quignard appelle à la noblesse du cerf. il en ressort une haine des nations, de l'activité, du monde qui pourrait sembler chrétienne si nous ne faisons pas attention.
Ce livre m'a aidé à me rendre compte du paradoxe chrétien, un enraciné du monde qui n'est pas de ce monde. Un solitaire au service et en sacrifice pour la communauté humaine sur le chemin de la rédemption, évènement individuel et universel. Aimer le monde tout en étant pas du monde.... Vaste programme.... Quignard ne veut réaliser que la moitie... 

Mais que l'on me permette de souffler avec Quignard : vive l'otium... et vive les désarconnés....



"Quand on ignore que l'homme est un être en évolution, on le tue."

Citations et souvenirs :

samedi 20 avril 2013

Fabrice Hadjadj - l'inévitable certitude

Je me suis arrêté sur cette conférence de Fabrice Hadjadj prononcée à Rimini lors d'une rencontre de l'association catholique Communion et libération.
Il reprend le thème de cette rencontre, la certitude. Il en profite pour développer sa réflexion autour de la vérité, de la nécessité pour nous de certaines certitudes pour vivre et de faire une généalogie de nos temps post modernes incertains et chaotiques. Que nous reste t il ?
Il nous faut de nouveau accepter de ne pas être à l'origine de son être. Accepter la matérialité spirituelle de celui-ci et de son engendrement, la métaphysique cohérente, l'horreur de notre mort et enfin que la vie est don à transmettre et que notre angoisse est signe de la source du don...
Face à la mort des idéologies, l'absurdité apparente du renouvellement des générations, soyons des explorateurs du royaume de Dieu, des hommes remplis de la certitude apocalyptique. De l'au-delà de toute idéologie, pourra revenir la certitude du consentement à la réalité comme chemin vers notre créateur et l'acceptation de notre nature faite pour la transmission et le don....



Intro
Certitude comme base du savoir et du sens de la réalité
Nous vivons dans un monde sceptique et relativiste,  la mode est de dénigrer la certitude.  Totalitaire, rigide, intolérante, statique comme le minéral et donc symbole de la mort car le vrai vivant évolue, meurt et renaît sans cesse. Mais ce n’est pas viable, paradoxe dans les termes
Car il faut voir la certitude comme ce qui permet d’avancer comme une terre où on met ses pas. (Aristote associe le doute à la chaine). Inévitable. Car elle permet d’avancer, je ne suis pas un autre. L’incertitude ne peut être une finalité. La certitude n’est ni arrogance, ni auto suggestion. Elle est basée sur une évidence non construite. C’est le sens de la réalité, elle est donc inévitable et un peu effrayante en cela, il faut savoir s’y préparer. (Humiliation pour l’orgueilleux, bénédiction pour l’humble)

1A Certitude au temps de la modernité
Il y a toujours eu des incertitudes depuis le péché originel, mais quelle est la spécificité de notre temps ? La Modernité fut le temps de nouvelles certitudes après la rupture avec les anciens. Mais le culte du récent devient culte de la mode, c'est-à-dire de ce qui sera démodée.
Avant tout cela on pouvait croire à un âge d’or, nous étions tournés vers le cosmos et la nature, le christianisme nous a alors tourné vers l’homme. Comme on arrach les roses du rosier pour la mettre dans un vase, la modernité a coupé les idées chrétiennes de leur racine. Désormais la rose ne sent plus très bon…  La modernité a séparé les valeurs de Dieu. (Exemple de l’oncle Kolia dans docteur Jivago de Boris Pasternak.) Reprise des idées de personne, de liberté, de la vie comme sacrifice pour mieux les couper et les isoler. Tout cela en vue de l’énergie vitale et non du royaume des cieux. Belle générosité de la modernité fondée sur la croyance aux progrès. Elle fonde des certitudes à notre mesure. Certitude du pouvoir de l’homme d’établir un royaume de justice et de paix, et de vaincre la mort par ses moyens.

1b Certitude au temps de la postmoderni
 Mais nous vivons l’effondrement du progressisme et de l’humanisme.  On a multiplié les morts et les drames historiques. L’humanité ne va plus vers son progrès mais vers son propre anéantissement. C’est alors qu’arrive le postmodernisme, le temps de l’incertitude et de la dislocation. L’angoisse de la mort collective nous désarçonne. Quel avenir ? Dégout de la réussite bourgeoise, il faut du divertissement et du facile. L’appel à la tradition et à un nouvel humanisme sonne creux. Le post humanisme vient avec trois tentations qui ont plus à la mode selon le temps  (le diable joue avec  pour nous abuser et nous cacher la réalité.) C’est le technicisme, l’écologie et le fondamentalisme. Ce sont trois manières d’abandonner l’homme. La modernité prenait des éléments du christianisme pour les assécher  mais la postmodernité disloque la révélation du logos incarné (accord entre raison et foi, naturel et surnaturel, chaire et esprit. La modernité essayait de rendre immanente l’espérance chrétienne. Le postmodernisme propose de nouvelle transcendance  et de nouveaux paradis à partir de trois bonnes choses, la technique, l’écologie et la religion.




Face à cette dislocation, l’homme sensé qui s’intéresse à l’homme et au réel comme donné doit reconnaître l’équilibre du bien fondé de la révélation du logos incarné. Ces temps dramatiques doivent réveiller en nous notre cicatrice de la verticalité. Face à la destruction des espoirs mondains, il faut savoir traverser l’espérance et s’ouvrir à l’espoir théologale.
Liszt : Si nous n’arrivons pas à être heureux, est ce peut être parce que nous valons plus que cela.
Ici, Liszt a l’intuition de la croix, croix présente au bout de nos fausses espérances et signal que nous hommes fait pour le bien-être mais pour l’être bon. Pas pour le confort mais la joie déchirante de l’offrande. (méditation sur le bon larron, homme qui fait tout pour fuir Dieu mais y arrive à la fin. Dieu se sert de nos errances pour inventer un chemin unique à chacun.) Le paradis est inimaginable et nous ne tentons seulement de retourner à un paradis illusoire du passé. Il nous faut traverser  le péché et la mort.
Après tout cela, quelle certitude nous reste t-il ? Repartons du plus simple et du plus concret. Là où est le plus simple et le plus mystérieux. L’homme agité (le révolutionnaire) est l’homme qui manque de capacité à sentir la beauté des choses telles qu'elles sont. L’homme est né pour vivre, non pour se préparer à vivre.

2 Quelle est alors la certitude qui nous permet de percer tous les modernismes ?
Existence décrit une expérience, existere, se tenir hors, provenir et aller vers. Je suis, mais je ne suis pas l’origine de mon être. Je l’ai reçu pour l’offrir. Justement, la maturité est le moment où l’on peut s’offrir. Quel en est le signe ?  Aristote dit que la fin de la croissance commence avec la capacité à engendrer, l’aptitude à donner la vie là même est son accomplissement.
Mais quelle est l’origine ? Hasard ? Mais alors d’où vient l’esprit ? De la matière ? Enfin si on comprend que son origine est un grand esprit, pourquoi la mort ?
Les matérialistes essaient de conclure et de nous convaincre que notre pourrissement et la décomposition du visage aimée est la juste normalité. Ils se consultent en occultant le drame de la vie. Ils se persuadent que la mort n’est pas un scandale.
Les spiritualistes, eux disent que la mort n’est rien puisque notre esprit est prisonnier.  La mort sera une délivrance… Mais notre séparation du corps et de l’âme est un arrachement, des deux morts
Au moment où  je vois la vie comme merveilleuse, la mort, l’injustice, le mal me pose la question de l’intention du créateur.
Si la maturité se signale par la possibilité de donner la vie, nous pouvons remarquer, sauf à être automatique, que l’homme a besoin de raisons pour donner la vie, or, notre époque ne permet plus les demis raisons. Nous sommes dernièrement passées des politiques natalistes, la volonté de rester dans les mémoires des hommes. Mais que faire quand les idéologies explosent et que les stèles paraissent absurdes, pourquoi alimenter un charnier voué à l’oubli.
Paradoxe, nous sommes fait pour donner la vie mais nous n’en voyons plus les raisons. La réponse juive est aussi spirituelle que charnelle, la circoncision et cette inscription sur le sexe de la promesse divine. Signe de l’alliance et marque de la promesse divine. Le signe dit : vas y, l’enfant ne sera pas un enfant du pharaon mais un enfant de Dieu. Tout enfant est Moise, il vit un temps de catastrophe, jeté à l’eau et être pourtant libérateur mais les parents ont fait confiance. La circoncision et de fait, une prophetie des stigmates du ressuscité
Donc nous sommes fait pour le don et nous sommes entourés d’obscurité pour trouver l’espérance du don. Nous devons nous faire éclaireur (cantique de Zacharie). Dégageons des voies inespérées. Nous croyons au nouveau monde mais il n'y a pas de carte mais la croix du Christ est la boussole.
Sans obscurité, nous serions les produits de l’œuvre de Dieu et non ses coopérateurs. (mais l’obscurité a surement d’autres raisons d'etre….) On pourrait critiquer le créateur mais il faut le louer. Nous sommes au désert, mais il faut malgré tout aplanir les chemins. Notre angoisse est le signe que nous sommes fait pour la joie . Car s'il n'avait pas de joie en nous, nous ne pourrions avoir l’angoisse, la sécheresse est le signe que nous sommes fait pour la source et en être canaux pour les autres…
Il faut aussi rejoindre les gens de l’obscurité
Notre certitude est apocalyptique ( ce terme concentre mon discours, dit Hadjadj.)
La certitude de l’existence est une certitude apocalypitque. Mot apocalypse n’est pas catastrophe mais révélation. Après dépassement de désespoirs, dépouillés des certitudes  de la modernité et des incertitudes de la post modernité, il reste que cela… une immense certitude d’apocalypse, c’est à dire la nécessité d’une espérance qui traverse la nuit obscure, c'est-à-dire une exigence d’une vie qui se donne plus forte que la mort. La nouveauté d’une expérience féconde qui manifeste la gloire à travers la croix, qui porte une révélation au cœur de la catastrophe


mercredi 17 avril 2013

Vivien Hoch et Vincent Peillon

Trouvé il y a quelque temps sur le net, je vous propose un texte de Vivien Hoch, notamment rédacteur sur le site d'itinérarium (le bonhomme s'est fait remarqué dernièrement...), où il expose brièvement ce qui font pour lui les traits saillants de la pensée de Vincent Peillon, ministre socialiste de l'éducation nationale. Comme Hoch l'écrit, Peillon a le mérite d'être clair. Il expose dans ses écrits la dimension religieuse de la république. Sa foi théologico-historique en des lendemains citoyens universalistes heureux, avec l'éducation nationale comme maison catéchétique pour reformer l'homme devenu autonome à toute religion. Paradoxe inexpugnable de la laïcité républicaine... Ce document, quoique un peu court, permet de mettre quelques mots sur une évidence du système politique français actuel et de son messianisme d'une  révolution française idéalisée que l'on déjà vu sur ce site ou que l'on peut voir partout ailleurs, comme ici.
Je crois que toute cette foi est bien pauvre. Tout en possédant une partie du germe de l'évolution créatrice spirituelle et théologique chrétien, elle joue avec, s'amuse avec, mais refuse de voir son origine et le corrompt. Le paradis socialiste est le paradis de l'home autonome. Purement libre, purement égal et donc fraternel obligatoirement... Bref, un paradis illusoire sans aucune connaissance des subtilités du désir et de la condition humaine. Elle croit déreligioser le monde en voulant extraire le facteur essentiel de la déreligiosité, (le catholicisme) et finalement une gnose idiote propice à l'idolatrie.
Nous, catholiques pouvons être aigris face à notre défaite dans le combat du contrôle de la masse. Mais, nous pouvons nous réjouir de ne pas être tombé dans une foi aussi faiblarde... Ne tombons pas, non plus, dans le piège du regret de la bonne époque catholique, voyons plutôt notre triste période comme la possibilité de nous convertir. Notamment en croyant que la maîtrise de la masse n'est rien, mais que des hommes libres qui se reconnaissent comme pierre de l'Eglise, c'est tout.

Et démystifions si c'est possible cette religion d'homme croyant, luttant contre toute croyance pour le bien social de l'homme... Tiens, cela me fait penser à un livre de Hadjadj.


Vincent Peillon,
Prophète d’une religion laïque

Intro   
L'objectif du document est de faire l’exégèse de la pensée de Vincent Peillon, actuel ministre de l’éducation et qui dans tous ses écrits de philosophe ou de responsable politique fait vibrer le souvenir de Ferdinand Buisson, appel de ses vœux une France véritablement progressiste en utilisant les termes de foi, de morale, de spiritualité et d’église (pour l’école). De quelle religion Peillon est il le prophète ?

I Une conception dialectique de la république

Finalement le point de vue de Vincent Peillon sur l’histoire se résume au titre d’un de ses bouquins. La révolution française n’est pas terminée. Cette révolution est le big bang de la république qui depuis cherche sa structure pure et parfaite dans les balbutiements de l’histoire. Le socialisme est ce projet. Le sens de l’histoire est en marche vers cette structure idéale (l’unité républicaine) dont la révolution apporte les gènes, l’information essentielle. Les temps nouveaux se déterminent par rapport au futur. Lequel ? On ne peut savoir... Mais ce progrès est inéluctable. Toute opposition est force réactionnaire,  rétrograde et « archéophile ». Peillon a le mérite de voir que c’est une « foi laïque ». C’est donc bien une doctrine théologico-politique.


II Une religion laïque de substitution

dessein de dutreix
La révolution française est un évènement religieux métahistorique. Elle appelle à la substitution de la religion chrétienne. La révolution et la république ne se développe que dans la mort de Dieu et de la fin de toute religion confessionnelle. La religion socialiste est cette religion irréligieuse qui préserve le deuil de Dieu. Cette religion est la préservation de cette cérémonie. Cette foi est toute orientée vers les œuvres sociales, elle est indexée au monde social, aux maitres terrestres et aux technocrates qui les mettent en pratique.
Vincent Peillon marche dans les pas de Ferdinand Buisson. La république n’est plus que cette religion laïque. C’est « la religion de toutes les religions, la religion universelle ». Mais pour cela, cette religion va entrer en lutte mimétique avec la religion catholique très présente en France. Il va falloir éduquer, remplacer et lutter. Il faut instaurer une nouvelle perception de la nature humaine. Le christianisme est foulé au pied par le sens de l’histoire. Vivien Hoch souligne le danger totalitaire de cette religion. Comme dans tout monothéiste universel, il est prosélyte et a la conviction messianique de ses révélations.

III L’éducation formera un « homme nouveau »
Pour instituer le corps parfait dont la révolution est le premier gène et la promesse, il lui faut créer sa légitimité historique. L’eglise de cette promesse est l’éducation nationale. Elle est la matrice qui fera des citoyens, elle va tuer l’homme ancien qui demeurait dans chaque personne. Baptême, règle de lois, symbole et tout roule.
Dans toute cette histoire de salut par le socialisme, la morale est bien sur importante et ne peut se séparer de la politique. Le rôle de l’école républicaine est d’orienter les enfants vers cette recherche de la réalisation de la révolution. Peillon réaffirme la nécessité de ne pas abandonner le spirituel aux autres fois religieuses, il faut que la république réinvestisse cette dimension humaine. L’école et la formation de l’âme

Conclusion Vincent Peillon, le prophète socialiste du XXIème siècle.
Dans la généalogie des socialistes utopistes comme Leroux, Louis Blanc, Saint Simon, Peillon a pour objectif la réalisation du nouvel ordre née à la révolution par sa nouvelle religion et son sens de l’histoire du progrès indéfini et infini de cet établissement flou. Il faut concurrencer donc les religions et les traditions. Ce progrès doit s’inviter dans les âmes par l’éducation nationale afin que l’humanité participe à l’avènement tant attendu.


A ce propos, lire Muray et le XIXeme siecle à travers les ages.

samedi 13 avril 2013

Manuel de Dieguez contre René Girard

Je ne sais si cela vaut le coup....



J'ai hésité mais j'ai cru intéressant de résumer un article de Manuel de Diéguez contre René Girard. J'ai hésité car je fus déçu de la qualité de l'attaque. Si le style de Diéguez est admirable, non par sa clarté mais par sa luxuriance, nous sentons de manière trop évidente l'a priori anti-religieux de l'auteur. Et encore plus paradoxal, il dénie à Girard la possibilité de délier la religion chrétienne de la violence. il refuse l'unicité chrétienne que Girard redécouvre tout en voyant le lien entre la violence et le sacré. Pro palestinien et antidémocratique (pourquoi pas....) il voit en Girard tout ce qu'il déteste, le silence bien pensant et violent d'une caste intellectuelle refusant d'ouvrir les yeux sur la situation de Gaza et l’hypocrisie social démocrate du monde politique refusant de voir la violence et se donnant des armes théoriques pour la cacher de mieux en mieux. Bref, un concentré de bourgeoisie. Quelle curiosité..... N' a t-il pas un malentendu énorme. Girard est bien l'homme qui nous invite à voir la violence et la notre en particulier...
Ensuite, L'auteur s'appuie sur le travail de René Pommier, (presque) célèbre contempteur de Girard mais qui est finalement un décevant rationaliste anti religieux attrapant le moustique et ratant la baleine. Pour les plus courageux, c'est par ici. Mépris du mimétisme et de la lecture girardienne des oeuvres et du sacré. Tant pis pour eux...

Diéguez fulmine de voir Girard refuser la lecture de Saint Anselme du sacrifice de la croix. Pour Diéguez, le christianisme demeure comme toute religion archaïque une histoire de sacrifice envers un dieu qui attend qu'on lui rembourse, il faut payer le tribut.... C'est ainsi et il ne peut en être autrement. Mais c'est pourtant ce sur quoi lutte Girard et toute l'orthodoxie actuelle. La citation du théologien Ratzinger ci-dessous en est la preuve.


"Pour un très grand nombre de chrétiens et surtout pour ceux qui ne connaissent la foi que d'assez loin, la croix se situerait à l'intérieur d'un mécanisme de droit lésé et rétabli. Ce serait la manière dont la justice de Dieu infiniment offensée aurait été à nouveau réconciliée par une satisfaction infinie… Certains textes de dévotion semblent suggérer que la foi chrétienne en la Croix se représente un Dieu dont la justice inexorable a réclamé un sacrifice humain, le sacrifice de son propre Fils. Autant cette image est répandue, autant elle est fausse"
                                J. Ratzinger, Foi chrétienne hier et aujourd'hui, Nouvelles Editions Marne, 1976, p197

La croix reste pour lui comme une manière de trouver de bonnes raisons à faire payer les hommes et non un instrument du salut et de miséricorde.... Tant pis pour lui...

Diéguez voudrait que la croix soit une hypocrisie....
Il est ausi curieusement girardien sur le sacré et muni d'une certaine connaissance chrétienne par sa nature même. Mais il refuse d'identifier la source de cette connaissance. C'est un chrétien horrifié de voir cette source.... Tant pis pour lui. Girard occulterait la violence chrétienne alors qu'il souhaite montrer en quoi celle-ci est humaine et comment scientifiquement la foi chrétienne nous propose de la restreindre.


Vraiment, je suis, malgré tout, époustouflé par la plume de l'auteur mais il s'autofascine par ce qu'il imagine être sa rationalité.
Qui conduit vraiment à la raison et a la réalité ? Ne voit il pas qu'il frappe un épouvantail qu'il s'est construit lui-même ?




Résumé
1 Après une élégante introduction, On comprend que Pommier laisse la parole à Malebranche pour parler de Girard, c’est un novateur à la recherche de célébrité par l’éclat du nouveau. Malebranche continu, ces novateurs deviennent de mauvais foi et ne prend pour existant que ce qui va dans leur sens et méprise le reste. Ils s’auto leurrent…. Ce n’est qu’une erreur parmi d’autres….


2 Pommier se plonge dans la vieille tradition de pensée de la réfutation énergétique qui n’existe plus qu’à peine alors qu’elle fut une part importante de la production philosophique du passé. Pommier nous aide à Débroussailler le cerveau malade de l’homme dont la religion est le symptôme. La dernière mode, le rôle central des immolations sanglantes dans l’histoire. 

3 Et donc René Pommier vint rétablir la logique et la vérité que Girard méprise. Il lui reproche d’abord de ne pas être dans la logique chrétienne. Il reproche à Girard de refuser le sacrifice rédempteur au christianisme. Avec ironie, Dieguez affirme que Girard aimerait dispenser le dieu Chrétien de ce qu’il est au final, « le créancier insatiable du prix expiatoire de notre expulsion de l'Eden. » il veut innocenter un Dieu sanglant… Finalement, le dieu d’Isaac et d’Iphigénie serait le même.
Armé de la Raison, Pommier va souligner les erreurs et « l’escamotage » de Girard dans ses lectures, interprétations.

4 Girard est le Tartuffe du parti religieux qui refuse de voir sa situation idolâtre et violente avec son dieu.

5 Démocratie et église même combat. Sa cacher sa religiosité ou sa violence ou son masochisme ou bien les trois. Girard en est le signe et est maîtres en falsifications et ne dit de toute façon que des sottises…

6 L’éparpillement du savoir nous rend étrangers à une compréhension globale des choses. Et ce d’autant plus quand une idée fixe prend l’idée centrale d’une doctrine. (Preuve par Don Juan de Molière de l’erreur du mimétisme.)

7 Si Girard invente le mimétisme c’est par utilitarisme et pour expliquer la rivalité mimétique et donc au sacrifice et au bouc-emissaire. En plus, il a confondu le mimétisme avec le grégarisme viscéral prouvé par l’expérience de Milgram, et la passion de l’autorité d’une part des humains.

8 Exemple d’Erasme défendant la doctrine catholique par argument d’autorité vis à vis de la menace schismatique. C’est la preuve qu’une société close sur ses rituels et ses dogmes est le signe qu’elle hait l’individu différencié. En conséquence, toute société religieuse sera dirigé par une caste décérébrée et créant une société d’idiot mené par des perroquets.

9 Ensuite tout ce qu’on pouvait expliquer par le mimétisme peut s’expliquer par la peur. Pire que cela, Girard permet aux états et aux personnes de jouer à Ponce Pilate de leur destin. C’est trop facile de dire que l’on est aveugle et irresponsable du masque sacré que porte l’humanité.

10 Tarde a déjà parlé de l’imitation. Mais surtout Girard essaie de rendre religieux tout et surtout le profane en voyant partout du sacrifice. Puis il essaie de soustraire le christianisme du système sauvage de la violence immolatoire et de l’absoudre de sacrifice humain.
En plus, Diéguez dit que la violence, les guerres, les massacres, les sacrifices sont antérieure aux religions et aux rites. La religion n’est qu’un habillage cosmologique et de parure mythologique des carnages postérieurs…
La religion ne fait que théâtraliser toute la violence. Le sacrifice n’est qu’à titre préjudiciel, nourrir à l’avance l’idole.

11 La lecture sacrificielle de l’Eglise est sa théologie officielle. Saint Anselme de Cantorbery. Il faut encore payer le tribut au nouveau Jupiter. Et donc toujours le sacrifice du fils unique…

12 Après s’être attaqué à la trinité en disant que puisque Saint Anselme dit des betises sur le sacrifice divin, tout ce qu’il a légué sur le filioque et donc la trinité est faux et il faut en finir avec ses aneries…, il explique que Girard est finalement le gardien du temple qui ne permet pas de réfléchir le sacrifice anthropologiquement….

13 Encore une fois, Girard permet au chrétien de se fermer les yeux sur la violence de l’homme. Girard sacrifie en plus la science politique. L’abandon de Gaza en est le symptome majeur de la cécité démocratique.
« car il faudra recourir à un sacrificium intellectus de forte taille - celui d'une falsification délibérée du christianisme théorisé, intellectualisé et calqué sur l'histoire réelle - pour qu'une discipline vieille comme le monde, la politique, se trouve purement et simplement effacée du champ des savoirs rationnels, et cela à seule fin, redisons-le, de permettre au christianisme officiel, donc meurtrier à titre doctrinal, de renoncer à se présenter pour une religion dont la profession de foi ecclésiale qui la définit depuis deux millénaires se croit salvifique, précisément parce que sacrificielle. »

14 Péché originel, sacrilège de la désobéissance. Tout n’est que violence pour détourner la colère de Dieu. 

15 Girard ne cherche qu’à séparer les religions de leur source réelle dans le sang des hommes au service de la démocratie hypocrite. Ironie sur l’éventail des lectures mimétiques et sacrificielles de la bible par Girard. Diafoirus de la rivalité mimétique

16 Moquerie sur la foi de Girard basée sur la raison. Et puis de toute façon la cosmologie chrétienne est délirante. Et de la, toute foi absurde…
Pommier : René Girard croit en René Girard….

17 Foi, toujours manière de combler la terreur de sa solitude….De toute façon, les chrétiens sont ignorant de la foi (Dieguez pense que les chrétiens devraient croire qu’ils mangent les vraies molécules de chaires et d’hémoglobine du Christ). Mais les athées sont décérébrés aussi… Mais enfin, si seulement l’athéisme régnait, quel progès cela serait pour les sciences et les connaissances de l’homme. « Imaginons ce qu'il serait advenu de l'intelligence des Grecs s'ils avaient su que leurs dieux n'existaient pas! »

18 L’essai de Pommier fera date. Il participe à la guerre à la bêtise qui date depuis la renaissance, la percée de la raison du XVIIIème. Retrouvons la pensée et la cohérence rationnelle, bordel !!!!

mercredi 10 avril 2013

L'introduction de la Conversion de l'art - René Girard

Denier livre officiel de René Girard, il est essentiellement un recueil d'articles, la plupart de jeunesse, mais surtout l'occasion de montrer par l'introduction du livre la genèse de son chemin intellectuel à partir du "désir mimétique"  et  de confirmer " la façon dont [sa] pensée apocalyptique était depuis toujours contenue dans [sa] conception du désir."

L'introduction, seule exclusive, résume le livre et explique le choix de cette collection d'articles, allons y de notre petit résumé.


P28, l'art ne m'intéresse en effet que dans la mesure où il intensifie l'angoisse de l'époque. Ainsi seulement il accomplit sa fonction qui est de révéler.


Intro
Girard présente son livre, un recueil d'article de jeunesse (avant son premier livre en 1961) ou alors de relative maturité et même un dvd d'une interview récente.... Il nous invite sur son propre chemin intellectuel, sa genèse  Qu'est ce qui réunit ses articles? Une conception apocalyptique de l'histoire. Nous avons vécues depuis deux siècles avec des "montées aux extrêmes  catastrophiques mais avec l'accompagnement d'hommes de génies. L'accompagnement de la montée vers l'horreur et de son envers lumineux.

La fin du roman
Saint-John Perse et Malraux furent pour Girard les premières étapes indispensables vers le chemin de la foi Chrétienne et de la théorie mimétique. (à noter, que ce sont aussi des hommes qui ont compté pour l'histoire de France dans leur engagement politique et diplomatique, l'un gaulliste, l'autre anti gaulliste mais probablement ami  l'un de l'autre...) Girard dit qu'il a "joué" Perse au tout début de sa carrière universitaire pour marquer son dégoût du progressisme historique. il voit dans la poésie de Perse un questionnement par l'archaïque du positivisme, la reconstruction du réel se fait par l'apparition de l'apocalypse. Girard commence alors à réfléchir sur le sacré. Chez Malraux, Girard retient l'importance d'une œuvre totalement méprisée par son époque et désormais oubliée, les voix du silence, 1951. Pendant que les esthètes voulait revenir "avant la guerre" pour que "l'art continue", Malraux créait un lien entre violence et art, regroupant seconde guerre mondiale et fétiche, art primitif et apocalypse. Bref, Malraux est un des premiers à dire que l'humanisme progressiste est bel et bien mort. Grace à Malraux, Girard sent qu'on peut atteindre l'essentiel du monde et de nos vies par la parole. Nous sommes dans le "super moderne", le retour de l'archaïsme et la perte du chrétien. Malraux sent aussi la fin du roman, Proust a épuisé la forme. Le roman n'a été que le prophète de l'époque à venir. L'époque nécessite une nouvelle forme que Malraux cherchera par le refus de tout mythe et par la tension vers l'universel, ce que Girard analyse rétrospectivement comme une conversion romanesque.  Malraux était dans le vrai et personne ne l'a entendu...  Girard avoue que la littérature est la base de ses recherches cependant ce sujet est désormais dépassé mais il demeurera toujours le canon des oeuvres romanesques qui ont leur part dans la révélation de la vérité....

Voir absolument cette vidéo 
P16 L'histoire du roman est un peu comme la sagesse biblique. Il doit y avoir là une nécessité irréductible. Je crois que c'est dans le roman que se révèle la vérité, mais en même temps qu'il y aurait comme un canon, des textes canoniques de la révélation romanesque.

Orgueil et passion




Nous continuons à passer la machine à remonter le temps, et Girard parle de l'importance de Valéry et Stendhal dans son périple intellectuel. Valéry est le rêve de l'autonomie indifférente, le solipsisme représenté par Mr Teste. Je savoure mon "moi" pur que les autres ignorent et qui est finalement seul à être. C'est la tentation de la coquetterie ontologique et de l'orgueil. Le refus (stressé et donc dissimulateur) de voir l'autre comme fondateur de son identité. De l'autre coté, il a Stendhal qui a conscience de l'importance de la vanité dans l'identité humaine, il la discerne historiquement. Stendhal voit le monde balzacien, le monde d'après la révolution où chacun est le rival de l'autre. Ce que nous avons gagné en pseudo autonomie, nous le payons en vanité triste. Stendhal ne cessera de chercher la passion malgré tout. Puisque tout est vain, vivons avec passion, jouissance et éloigné du regard des autres. Bref, ce sont deux poses mais Stendhal, lui, ne se prend pas au sérieux...



Désir et Narcissisme
Par la suite, Girard reconnait son inspiration sartrienne. Sartre, en effet découvre dans l'essence une imitation existentielle. Mais celui-ci voudrait purifier l'essence de toute altérité (généalogie de Valery) ce qui est impossible. De plus Sartre condamne le fameux garçon de café qui ne peut trouver son essence, c'est une sorte de foi protestante radicale dans le péché originel. Girard, lui, voit plutôt le péché originel dans le rapport à l'autre mais non dans la conception de soi. Girard se voit comme celui qui dépasse Sartre dans toutes ses analyses, il le voit particulièrement dans le phénomène de la coquette. Stratégie de dissimulation de son désir pour se placer en statut dominant d'autonomie par rapport aux autres. (sur ce sujet, il pense aussi que Molière voit plus loin que Freud qui comme Valéry croit en une indifférence réelle et la croyance de pouvoir se débarrasser de l'autre...) Or le moi est toujours relatif. Et malheureusement, tout comme la montée aux extrêmes  plus je vais vers l'autre pour sortir de moi, plus l'autre va rentrer en lui, et finir par se détourner. La réussite et le prestige sert à croire en soi mais on a besoin de tout le monde pour cela... Toutes ces stratégie de coquetterie, de succès, c'est la mondanité mais elle n'est pas féconde sur le plan de la vérité. il faut accepter l'humiliation de la découverte de son mimétisme pour retrouver le temps perdu.

P21 Le narcissique est celui qui veut être cru indifférent par l'Autre, et l'humilié celui qui croit en cette comédie.

Nietzsche et Wagner


Enfin, Girard prend du temps, comme dans l'un de ses articles, pour débroussailler la relation Wagner Nietzsche qui lui semble importante pour tous les sujets comme l'Europe, la mythologie, le christianisme, le mimétisme...


Car, oui, Nietzsche s'est senti humilié par Wagner dans leurs relations. Il a découvert l'être dans le compositeur lui qui croyait être un Mr Teste réussi. Ecce Homo est l'humiliation refoulée par un pseudo triomphe. Son anti-christianisme sera dicté par la redécouverte de celui ci (et particulièrement de sa compassion) par Wagner. Ce dernier sera toujours à la recherche de la synthèse entre l'archaïque et le chrétien. Déconstruire les mythes mais garder possible la possibilité de l'alliance des deux. 

Girard ne dit il pas que tout son travail est résumé dans la scène d'ouverture de l'or du Rhin ? Celle du Nain Alberich et des trois sirènes, coquetterie, transformation de la valeur, guerre.... Wagner aussi à son insu à l'intuition de la montée aux extrêmes et de la vision du temps linéaire et apocalyptique. (contrairement à l'éternel retour de Nietzsche). Mais l'apocalypse de Wagner est mal définit et n'est jamais dans ses oeuvres en vérité. il sacralise la musique et oublie le rite que Stravinski présentera par l'intermédiaire de la danse afin de révéler purement le meurtre fondateur dans le sacre du printemps




P24 On voit constamment chez  [Wagner] la mythologie se déconstruire du fait d'éléments implicitement chrétiens,et puis se reconstruire. C'est la tentation moderne par excellence.

lundi 8 avril 2013

Chesterton par Simon Leys


Amené à m’intéresser à Simon Leys (notamment grâce à sa participation à une émission de Pivot), j'ai découvert qu'il a écrit un chapitre sur Chesterton dans son dernier livre que l'express a reproduit.
C'est une élocution d'un admirateur lors d'un colloque consacré à l'auteur anglais. il regroupe des petits points saillants de l'auteur anglais. Poesie, mal, amateurisme...





Chesterton est un poète ! Non pas par la forme de ses écrits mais plutôt dans sa recherche de prise avec le réel. La poésie est l'inventaire du réel, notre lien vital avec la réalité et donc notre propre salut mental.

Leys touche ensuite un point très juste. Il parle de la monstruosité bienheureuse de Chesterton. Ne nous le figurons nous pas comme un homme sans angoisse, portant l'orthodoxie catholique de l'homme avec joie, évidence et sans mimétisme vaniteux?

Leys nous dit qu'il faut lire le nomme jeudi : un cauchemar qui selon lui fait apparaître la proximité spirituelle de Chesterton et de Kafka. Chesterton serait l'homme qui serait ressorti vivant d'une confrontation avec son propre mal intérieur  Esprit jaillissant, il se sentit près de la folie,  la poésie le sauvât par l’intensité de sa recherche du réel  car „il n'y a pas de mauvaises choses mais seulement des pensées mauvaises". L’œuvre du ciel est matérielle, l’œuvre de l'enfer est entièrement spirituelle.”

Leys développe aussi l'idée Chestertonnienne de la supériorité de l'amateur sur le professionnel ? Car aucune activité humaine vraiment importante ne saurait être accomplie de manière professionnelle (imaginez vous un poète ou un vivant professionnel?). Le professionnalisation complète de l'homme le tue.

Leys aime a développer ensuite la spécialisation masculine et le généralisme féminin et de la merveille des taches dites proprement féminines et comment la dénigrement moderne de celles ci fait honte à ces grandes taches. Le féminisme ne comprend rien à la différence des sexes et est une victoire des pires valeurs masculines... Qui le comprend passe dans un autre dimension et deviendra encore plus terrifié par notre monde...

La réputation de Chesterton, note notre bon Belge, est contradictoire, célèbre par ces extraits, pratiquement inconnus intimement.

Il en ressort en général pour ceux le connaissant que superficiellement une certaine frivolité.
Mais pour Chesterton, la frivolité, n'est que le signe d'une pénétration plus profonde du sujet touché. : „Plus les sujets évoqués diffèrent entre eux, plus la philosophie qui les embrasse doit être profonde et universelle. Un esprit léger et irréfléchi est caractérisé par l'harmonie des matières qu'il traite; un esprit pénétrant et réfléchi, par leur apparente diversité." 

Justesse, actualité et prophétie, tel est Chesterton.




Quelques citations trouvés ici




Et ceci, qui paraît redoutablement adapté à la situation présente (car je ne puis croire que ce soit par un simple coïncidence que nous assistions simultanément au développement d'un mouvement en faveur de l'euthanasie et à une campagne pour autoriser le mariage des homosexuels) : «Il y a des formes destructives dans notre société, qui ne sont rien d'autre que destructives, car elles ne cherchent pas à modifier l'état des choses, mais à l'annihiler, en se basant sur une anarchie interne qui rejette toutes les distinctions morales sur lesquelles même les simples rebelles s'appuient encore. A présent, le criminel le plus dangereux est le philosophe moderne qui ne connaît plus aucune loi. L'ennemi n'émane pas des masses populaires, il se recrute parmi les gens éduqués et aisés, qui allient intellectualisme et ignorance, et sont soutenus en chemin par le culte que la faiblesse rend à la force. Plus spécifiquement, il est certain que les milieux scientifiques et artistiques sont silencieusement unis dans une croisade dirigée contre la famille et l'Etat.»




Leys cite aussi un écrit de 1926 :




«Les derniers en date de nos modernistes ont trouvé le moyen de proclamer une religion érotique qui simultanément exalte la luxure et interdit la fertilité (...) la prochaine grande hérésie sera tout simplement une attaque contre la moralité, et spécialement contre la moralité sexuelle. Et ça ne va pas venir des socialistes. La folie de demain n'est pas à Moscou, mais bien plutôt à Manhattan.»

vendredi 5 avril 2013

la terasse D'Etorre Scola

La terrasse 1980 Ettore Scola

Ils se sont tant mal aimés.
Nous sommes à Rome, une belle terrasse. C’est la soirée, la maîtresse de maison a bien préparé l’événement,  un grand groupe d’amis vieillissants se retrouve, se dispute, s'asticote. Nous allons suivre successivement 5 personnes de cette assemblée, leur relation entre eux et les autres membres de ce réseau culturel et politique. Oui, ce sont les intellectuels des années 70. Ils ont vieillis, ils sont déçus, ils sont tristes ou en colère. Heureusement, il leur reste le chant, les bon mots et… peu de choses finalement.
La construction de ce film est très travaillée. Les interactions entre les différents personnages au moment de la soirée puis ensuite dans les six scènes consacrés à un personnage en particulier sont très subtiles. Tout cela rajoute à l’intérêt de cette symphonie et de ce tableau d’ensemble.
L’un est un scénariste de film à succès qui n’a plus d’inspiration et qui devient fou à chercher à faire rire les gens… On découvre petit à petit que ses problématiques sont aussi celles du réalisateur, comment faire rire de l’époque alors que l’on en est soi-même dégoutté et le film semble le fruit des bouleversements intellectuels et intimes d'Ettore Scola.
Le second, journaliste sans plus aucun idéal vit sa vieillesse comme un naufrage, la seule femme qu’il ait vraiment aimée est devenue son propre monstre incontrôlable. Du verbe, de l’orgueil et de la recherche de pouvoir… Tout coule et nous aussi, les femmes sont nos rivales et non plus nos bien-aimés…Plus rien n'est possible entre nous...
Le troisième, Sergio, disparaît petit à petit, ne mange plus pour mieux disparaître,  il résiste, on l’oppresse et il meurt comme son héros favori de capitaine Fracasse, il n’aura plus à jouer aucun rôle… sa femme à lui était parti on ne sait plus où…Il n'y a plus la place dans ce monde pour les héros. Ceux ci se meurent de dépression..
Le quatrième, enrichi par des succès vulgaires dont il est le producteur se lance dans la production d'un cinéma d’avant garde pour essayer de reconquérir sa jeune femme intellectualisante, belle et distante… Il ne fera qu’émerger un cinéaste arrogant, orgueilleux, qu'amener sa propre ruine et entériner la chute définitive de son mariage... Impasse du cinéma italien soit abrutissant, soit méprisant et chute d'une milieu habile pour le succès mais dont la vie se révèle être un désastre.
Le cinquième, homme politique italien du parti communiste devient amoureux d’une jeune femme fragile et délaissée par un mari commercial stressé. Il se fait reprendre par la patrouille morale de son parti et est mis au placard. Il rêve de crier haut et fort son désir d’être honnête envers sa tendre femme. La fidélité à son parti et à sa femme ne font plus qu'un et sont impossibles quand notre héros se désespère de lui-même et de son temps....
Nous les retrouvons enfin tous les quatre et tous les autres amis sur la terrasse pour les funérailles de Sergio, ils seront tous en colère et chanterons tous autour du piano pour leurs belles et puis parce que c’est ce qu’il y a de mieux à faire désormais.

Il me sera difficile de rende hommage à ce film tant il y a de détails à noter et à mettre en exergue et comment tous ces détails créent une cohérence artistique et de sens.
Mais au fond, ce film est incroyablement désabusé… Tout est tombé, nous sommes vieux et laids, nous avons des problèmes de cœur (sauf le scénariste qui ne voit pas les vertus de sa femme), professionnels et nous ne faisons que des mauvais choix dans ce monde que nous avons créé et qui nous détruit maintenant…. Les femmes, la création artistique et la société. Voila ce qui est important pour ces hommes. Et voila que tout ce qu’ils ont créé les rend fous ou malheureux
Les femmes… ils leur ont tout appris, tout donné, ils les ont tant aimées et maintenant elles leur prennent tout, et les jettent. Tout est sens dessus dessous (seule la vielle femme enfante…) il y a ici une description passionnante du changement de la société occidentale, de sa féminisation et de ses conséquences… incroyablement incorrecte mais pertinent… La scène de la fin d'un amour est terriblement émouvante.

En tout cas, le monde n’est plus aimé et le monde ne les aime plus. Ils s’en sentent responsables et victimes. Le parti n’est plus que pesanteur, les films plus que du mensonge pour cacher nos médiocrités, tout n’est plus que réseau, vulgarité et perte de l’espoir…Le monde s'épuise dans une perte de sens. Échec du cinéma, de la télévision,  de la politique, du couple, des journalistes. il ne reste que l’amitié et les chansons autour du piano. 30 ans plus tard qu'est ce qui a vraiment changé ?
Notre réalisateur arrive à saisir des moments de vie de chacun des protagonistes qui sont incroyablement parlant, vivant, crédible, sensible et métaphorique que je suis conquis par ce portrait désespéré de génération.

Qui n’a pas besoin de sauveur ?


A noter

La mode de la fin des années 70
Les portraits de femmes
L’architecture
Les métiers intellectuels
Le critique
Marie Trintignant
Le taille-crayon
Les insertions filmiques
Le retour du vénézuélien, le meilleur d’entre nous
La fausse scène d’émasculation !
Le vieux garçon de restaurant
La beauté de Rome
Et tant d’autres

mercredi 3 avril 2013

René Girard - Ratzinger a raison

J'appris la renonciation de Benoit XVI en commençant à traduire en français cette interview en anglais du Huffington post de René Girard sur l'actualité de Benoit XVI en 2007. Girard montre les ponts entre sa pensée et les actions et les interventions du Pape Benoit.
Cette note sera une manière pour moi alors de rendre hommage à ce Pape que j'ai écouté tant de fois et pour lequel je me suis souvent senti en communion.
(Je pense à lui dans sa retraite et souhaite la bienvenue à François. (et beaucoup de courage....) )

Cette interview est aussi l'occasion d'entendre Girard parler sur certains sujets plus pratiques qu'habituellement et de donner certains avis plus tranchés, tout particulièrement sur le relativisme ambiant.

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Ratzinger a raison


En échos aux gros titres de ce matin du huffington post dans lequel le pape dit que Dieu va l'emporter contre satan (est ce nouveau?). Jetez un œil à cette conversation avec le célèbre anthropologue et catholique René Girard avouant que la pape a raison de défier la « dictature du relativisme »

RENÉ GIRARD:LE PAPE BENOIT A RAISON DE DÉFIER LA DICTATURE DU RELATIVISME


René Girard, éminent  catholique conservateur et auteur du livre pionnier "La violence et le sacré", est un professeur émérite de Stanford. Parmi ses livres les plus récents on peut trouver « des choses cachées depuis la fondation du monde » ou encore « Je vois Satant tomber comme l'éclair » :

il parle avec l'éditeur de Global view point Nathan Gardels chez lui près du campus la semaine dernière.

Nathan Gardels : Quand le pape Benoit XVI a dénoncé récemment ce qu'il voit comme la dictature du relativisme, particulièrement dans la culture européenne, cela a causé une grande controverse. Le pape a-t-il raison de dire que nous vivons dans une dictature ?

René Girard : Oui, il a raison. Cette formule - la dictature du relativisme- est excellente. Cela fonde un nouveau discours sur la même ligne que Jean Paul II et son rétablissement de « la culture de la vie » face à une « culture de la mort » et permet d'encadrer toute une série de questions de l'avortement, des recherches sur les cellules souches à la peine de mort et à la guerre.
Cela fait d'autant plus sens que cette formule vient d'un homme – l'ancien cardinal Ratzinger- dont la spécialité est le dogme et la théorie.
Le règne du relativisme qui est si frappant aujourd'hui est du, en partie, à la nécessité de notre temps. Les sociétés sont si mélangés avec une telle variété de gens. Vous devez garder un équilibre entre les diverses croyances. Vous ne devez pas prendre parti. Chaque conviction doit être supposée d'égale valeur. Inévitablement, même si vous n'en êtes pas un, vous devez paraître relativiste et agir ainsi.
Le résultat est que nous avons de plus en plus de relativisme et que nous avons de plus en plus de personne qui haïssent toute sorte de foi. C'est particulièrement le cas en université. Et cela nuit à la vie intellectuelle. Car toutes les vérités sont traitées à valeur égale, depuis qu'il a été dit qu'il n'y a pas de vérité objective ; vous êtes alors forcé d'être banal et superficiel. Vous ne pouvez vraiment être engagé dans quoi que ce soit, d'être pour quelque chose- même si ce n'est que pour un moment.
Comme Ratzinger, cependant, je crois à l'engagement. Après tout, nous sommes tous les deux convaincus par l'idée que la responsabilité exige de nous de devoir être engagé sur une position et d'être cohérent.

Gardels: Pendant toute la controverse que les commentaires du pape ont causée, nous étions très proches de la situation de la sortie de l'une des dernières encycliques (la splendeur de la vérité ) de Jean Paul II, celle-ci critiquait la société postmoderne comme devenue indifférente aux valeurs au nom de la tolérance. Il craignait qu'un nouveau nihilisme oriente le monde vers une volonté de puissance semblable aux épisodes du XXème siècle des désastres du nazisme et du communisme.

Girard : Le postmodernisme est dramatique en disant qu'il n'y a pas de valeurs absolues, qu'il n'y a pas de vérité, que le langage ne puisse atteindre la vérité. Comme le pape Jean Paul II dans l'encyclique que vous avez mentionnée, le pape Benoit s'engage dans la bataille en attaquant la vogue du scepticisme dans le monde d'aujourd'hui et particulièrement en Europe. Comme Jean Paul II, il sait de sa propre expérience que sans la religion la société part à la dérive. Et il n'hésite pas à le dire.
J'espère que ce message se propage. Son défi contre le relativisme est important non seulement pour l'Eglise et l'Europe mais aussi pour le monde entier.

Gardels : Même Jean Baudrillard approuva (dans une de nos conversations, il y a 15 ans) que « le monde entier, Chine et Japon inclus, est impliqué dans la fragmentation et le déracinement post moderne abandonnant les valeurs. Il y a une seule exception. L'Islam se lève comme un défi face à l'indifférence radicale qui balaye le monde. »
N'est ce pas vrai que l'Islam demeure la seule civilisation basée sur la foi et est ainsi en lutte avec notre culture séculière postmoderne comme peut l'être aussi Benoit XVI ? Après tout, malgré les efforts déterminés de Jean Paul II, les rédacteurs de la constitution européenne ont rejeté toutes mentions de l'héritage chrétien de l'occident. Tous les états dans le monde islamique mentionne l'Islam comme leur fondation culturelle.

Girard : La civilisation occidentale est, sans aucun doute, principalement du coté du relativisme séculier. Ce n'est pas vrai dans le monde islamique, où la foi domine. La victoire du relativisme est précisément ce pourquoi le pape Benoit a fait de la défense de la vérité chrétienne sa mission centrale.
Disant cela, je dois aussi dire que le sécularisme américain – qui est né de la défense de la liberté de religion- et la laïcité française -qui est née de l'opposition jacobine face à l'église- sont plus proches l'un de l'autre que ce que les gens veulent reconnaître car ils sont expérimentés de la même manière au niveau personnel.
Je craignais qu'après le 11 Septembre, le projet de l'intégration des jeunes musulmans dans la société française allaient se briser. Certains on prédit que le bannissement du foulard pour les jeunes filles dans les écoles publiques françaises causerait des tourments sans fin. Cela n'a pas eu lieu. Les jeunes filles se sont adaptées, s'occupant de leur croyance religieuse de telle manière qu'elles n'entraient pas en conflit avec l'etat. Elles sont vraiment le coeur de l'intégration, trouvant les moyens de vivre dans les deux mondes. En France, et je pense dans les sociétés musulmanes généralement, les femmes sont du coté de l'occident.

Gardels : Ce n'est pas seulement le pape qui n'aime pas le relativisme qu'il voit en Europe, où les églises peuvent être vide et les mosquées remplies. C'est aussi les musulmans radicaux comme le jeune marocain qui a tranché la gorge de Theo Van Gogh au Pays-Bas, probablement la capitale mondiale du relativisme.

Girard : Ce conflit, vous avez raison, est plus sensible en Europe, particulièrement aux Pays-Bas où l'idée postmoderne de l'égalité des cultures a été le plus approfondie en politique. Dieu sait s'ils sont libéraux, ce qui explique pourquoi cette violence n'aurait pas du arriver. Aux Etats-Unis, On n'a pas encore reconnu le mesure de ce qui se passe en France par exemple où un enfant sur trois qui nait est musulman. Au même moment, encore, quant vous voyez ces femmes musulmanes avec leur foulard débattant avec Mme Badinter à la télévision française, leur niveau culturel est élevé. Elles sont brillantes et claires. Je ne renoncerais pas à l'intégration même si la dynamique d'aujourd'hui va dans la direction opposée. Que ferions nous si l'Europe devenait musulmane ?

Gardels: Comme il existe un scission à l’intérieur de l'islam entre tradition et modernité. Est ce que la croisade de Benoit XVI contre le relativisme n'annonce-t-elle pas un scission à l'intérieur de l'occident ? Mais le problème de l'occident n'est plus d’accommoder la foi et la raison. Elle se situe plus dans la lutte contre le matérialisme et l'incroyance en insistant sur les valeurs, comme le pape l'a présenté : au delà « de l’égoïsme et du désir. » Métaphoriquement le combat est entre le pape et Madonna.

Girard:C'est une guerre culturelle. Je suis d'accord. Mais ce n'est pas Ratzinger qui aurait changé et soudainement devenu réactionnaire et conservateur ; c'est la culture séculière qui a dérivé trop loin.
Souvenez-vous, Ratzinger était un supporter du concile Vatican 2 qui a réformée l'Eglise dans les années 60. Il s'est opposé à l'idée que l'Eglise devait se tenir tranquille dans un monde se modernisant. Pour lui, être catholique c'est accepter que l'Eglise a quelque chose à enseigner au monde. Parallèlement  il y a une vérité qui ne change pas, l’Évangile. Aujourd'hui, il réaffirme seulement cette position. Il se tient seulement sur son terrain.

Ratzinger est un conservateur intelligent. Il veut échapper au fondamentalisme de quelques musulmans et chrétiens –ce sont les mêmes-- mais aussi échapper à l'idée que tout ce qui peut être nouveau est forcément meilleur à ce qui est vieux. Il veut résister à la dissolution de l'Eglise quelle que soit la direction où va le monde. En ce sens, je suis pro-Ratzinger.

Gardels : Peu après le 11 Septembre, le premier ministre italien Silvio Berlusconi, un catholique, a été largement condamné pour avoir dit que le christianisme était supérieur à l'islam. Quand Ratzinger a dit, il y a quelques années que le christianisme était une religion supérieure, il a causé une grande controverse. En 1990, dans l'encyclique « Redemptoris Missio », le Pape Jean Paul II disait la même chose. Cela ne devrait pas être une surprise que les croyants présentent leur foi comme la seule vraie. Cela est peut-être la marque de la dominance du relativisme :que sa condamnation par le pape Benoit puisse être controversé.

Girard : Pourquoi seriez-vous chrétien si vous ne croyez pas au Christ ? Paradoxalement  nous sommes devenus si ethnocentriques dans notre relativisme que nous sentons qu'il est seulement bon pour les autres et non pour nous de penser que sa religion est supérieure. Nous sommes les seuls à ne pas avoir de centre. ("We are the only ones with no centrism.")

Gardels:Est ce que le christianisme est supérieur aux autres religions ?

Girard : Oui, tout mon travail fut un effort pour montrer que le christianisme est supérieure et non pas une mythologie supplémentaire. En mythologie, il y a toujours une foule furieuse se mobilisant contre un bouc-émissaire tenu responsable d'une vaste crise : Le sacrifice de la victime coupable à travers la violence collective conclut la crise et atteint un ouvel ordre construit par la divinité.
C'est vrai que la structure des Evangiles est similaire en cela aux mythologies dans laquelle la crise est résolue par la victime unique qui unit tout le monde contre lui et ainsi reconcilliant la communauté. Comme les grecs le pensaient, le choc de la mort de la vicitme entraîne la catharsis qui réconcilie. Elle éteint l'appetit de violence. Pour les grecs, la mort tragique du héros permet au peuple ordinaire de revenir à sa vie pacifique.
Cependant, dans ce cas, la victime est innocente et les persécuteurs sont responsables. La violence collective contre le bouc-émissaire comme acte fondateur sacré est révélée comme un mensonge.Le Christ rachète les persécuteurs en endurant ses souffrances, implorant Dieu de leur « pardonner car ils ne savent pas ce qu'ils font. » Il refuse de supplier Dieu de le venger par la violence réciproque. Au contraire, il présente l'autre joue.
La victoire de la croix est une victoire de l'amour contre le cycle de violence du phénomène victimaire. Elle détruit l'idée que la haine est un devoir sacrée.
Les Évangiles fait tout ce que (l'ancien testament) la bible a fait auparavant, réhabilitant les prophètes persécutés et la victime faussement accusée.Mais ils universalisent sa réhabilitation. Ils montrent que, depuis la fondation du monde, les victimes de Passion-meurtres ont été victimes de la même contagion de la foule comme Jésus. Les Evangiles complètent la révélation car ils donnent à la dénonciation biblique de l’idolâtrie une démonstration concrète de la manière dont les faux dieux et leur systèmes de violence culturelle sont générés. C'est la vérité manquante de la mythologie, la vérité qui subvertit le système violent de ce monde. La révélation de la violence collective comme mensonge est le signe distinctif du Judéo-christianisme. C'est en quoi le judéo-christianisme est unique. Et cette unicité est vraie.

Gardels : Leszek Kołakowski, le philosophe marxiste humaniste qui agé, fit dans un livre nommé « La revanche du sacré », une distinction entre « tolérance pluraliste » -le respect des autres croyances- et la « tolérance indifférente » qui refuse de croire qu'il puisse y avoir une quelconque vérité supérieure. On peut être comme vous et Ratzinger opposé à la notion d'indifférence mais est ce que cela implique une certaine intolérance théocratique ?

Girard: Ce serait insensé. Les chrétiens ne peuvent pas transformer des personnes en bouc-émissaires au nom d'une victime innocente ! Vous n'avez pas à approuver Charlemagne convertissant les saxons par la force ou les croisades afin d'être un bon chrétien. Ratzinger n'est pas pour cela.

Gardels : A l'inverse de ses prédécesseurs, qui étaient perçus comme oecuménique, Benoit est perçu comme un sectaire qui ne tendra pas la main aux autres religions. De telles vues contre le relativisme ne limite-t-il pas l'approche oecuménique ?

Girard : Je n'ai pas trouvé la rencontre d'Assise scandaleuse – quand le pape Jean-Paul II invita les autres leader religieux pour le dialogue et qu'il embrassa le coran- comme d'autres conservateurs le pensèrent.Je ne vois aucune contradiction entre Benoit affirmant fermement ses croyances chrétiennes en présence des autres qui croient aussi fermement en leurs propres croyances. Personne devrait imaginer que l'oecumenisme signifie l'abandon de la croyance de la supériorité de sa foi.

Gardels : Le pape Benoit a aussi critiqué la globalisation, comme propagatrice du relativisme séculaire, il la voit en tant que telle comme une grande menace pour le monde entier. Voyez-vous ce lien ?

Girard : Oui, je le pense aussi. C'est très difficile pour le Christianisme de se défendre lui-même, de résister contre la démagogie déclarant que nous devons allez jusqu'au bout et abandonner la supériorité du Christianisme parce que, après tout, c'est ce que chaque culte dans notre civilisation globale dit à propos de lui-même.
Dans ces temps d'information globale, le Christianisme n'a pas ces protections contre la science que les sociétés archaïques possèdent. Il favorise la vérité, il ouvre la porte à la science, comme Jean-Paul II l'a montré, par exemple, quand il a dit qu'il n'y a pas de problème avec l'évolution si vous la concever dans un contexte chrétien.

Gardels : Une de vos plus fameuses théories est la « rivalité mimétique » - ce ne sont pas les différences qui guident les conflits mais le désir de posséder ce que l'autre possède. La mondialisation, n'est elle pas la « rivalité mimétique » à l'échelle planétaire – pure rivalité compétitive sans intermédiaire au nom de la dignité des personnes conferrés par le Christianisme. Ratzinger n'a t il pas raison de s'inquièter de la mondialisation de ce point de vue ?

Girard : Oui. Nous vivons dans un monde mimétique. Il y a un siècle, toutes ces grandes expositions universelles à Paris ou à Londres anticipaient la mondialisation en envisageant un monde où chaque personne serait l'ami de tout le monde. Aujourd'hui, nous sommes plus réalistes. Nous sommes conscients que la mondialisation ne signifie pas amitié globale mais compétition globale et ainsi donc le conflit. Cela ne veut pas dire que nous allons nous détruire les uns les autres mais ce n'est pas l'heureux village globale non plus.
On peut dire que la globalisation a commencé au XVème siècle quand les portugais ont navigué autour de l'Afrique pour atteindre l'Asie. Mais désormais le processus est accompli tout autour du monde. C'est une conséquence de la civilisation occidentale, et ainsi, c'est bien le Christianisme qui a unifié le monde. Mais si le monde n'est pas unifié dans la plus grande responsabilité d'apporter la paix, elle le met en danger.

Gardels : Comme vous le suggerez dans votre théorie, la dillution des différences ne met pas un terme aux conflits, d'une certaine manière devenir les mêmes intensifie la rivalité. Regardez les récents problèmes en Asie maintenant que la Chine se modernise de la même manière que le Japon.

Girard : Exactement, c'est un peu effrayant et c'es une rivalité dans lequel l'occident n'est pas engagé. De mon point de vue, cela vient de l'auto-affirmation de la Chine. Ce qui est arrivé au Japon est un mystère. L'occident les critiquaient toujours pour avoir été trop compétitif. Maintenant, ils ne veulent plus entrer en compétition. N'y a-t-il pas là une sagesse ?

Gardels: Que pensez vous de la montée de la droite religieuse aux Etats Unis ?

Girard : Ce qu'on voit en Amerique aujourd'hui est plus la montée du parti républicain que celui de la droite religieuse. Je ne pense pas qu'il y ait plus de chrétiens fondamentalistes aujoud'hui qu'il y a trente ans, c'est juste qu'ils se sont politisés. Les républicains se sont concentrés sur les sujets qui les amènent à l'urne. Et c'est un grand changement en effet.
Le problème avec les chrétiens fondamentalistes, mais pas autant qu'avec les musulmans, est leur perception de la violence de Dieu. Ils parlent souvent ces jours ci de l'apocalypse. Et il y a certainement des raisons d'être concerné par la direction où le monde se dirige. Mais la violence ne viendra pas, comme ils le suggèrent, de Dieu. Cela n'est pas crédible. C'est nous les humains qui sommes responsables. C'est, d'une certaine manière, l'un des messages clés des Evangiles.
Tout l'objectif de l'incarnation est de dire que l'humain et le divin sont interdépendants d'une manière qui est propre à la théologie chrétienne et impensable dans les autres religions, et à mon avis absolument supérieur. Que ce soit le cas des musulmans concentré sur le martyr ou des fondamentalistes chrétiens concentrés sur l'apocalypse, cette conception grecque d'un dieu en dehors du monde n'est pas suffisante. C'est vraiment la signification de tout mon travail.