jeudi 22 octobre 2015

Pierre Yves Gomez présente la théorie des conventions

La première vidéo plus bas a été prise lors de l'université d'été de l'association des recherches mimétiques dédiés à la pensée de René Girard.
Intervenant lors de cette université, Pierre-Yves Gomez est interviewé.
Il raconte d'abord sa rencontre intellectuelle et personnelle avec René Girard par la médiation de Georges-Hubert de Radkowski.

En fin de vidéo il donne un résumé intéressant et original de son livre le travail invisible :
Le travail réel, véritable producteur de richesses a été plongé dans l'abstrait par les croyances développées de la "performance", "l'innovation" etc... l'ensemble de ces croyances construisent la financiarisation. Pourtant tout cela est basé sur quelques croyances jamais remises en cause d'autant plus qu'elle sont souvent autoréalisatrice du fait du pouvoir mimétique de celles-ci.

Oui, Gomez parlait de croyances, dans le cœur de la vidéo il nous expliquait ce qu'était la théorie des conventions en économie et en quoi la source était la pensée de René Girard.

Afficher l'image d'origine

 Cette théorie des conventions part sur l'étude des sociétés à partir de l'individu en relation et non de l'individu autonome. Cela part de l'axiome que toute décision économique part de l'autre.
Il nous initie à la notion de trou noir de rationalité. Une convention sert à ne pas voir ces trous noirs, lieu où on commence à interroger que chacun pense que l'autre pense que chacun pense que chacun pense..... pour pouvoir décider. Cela donnerait la possibilité aux autres agents d'agir d'une manière que je n'attends pas. Les conventions existant pour mieux nous cacher que je ne peux décider de manière autonome sans tenir en compte les décisions des autres au même moment.
Ce trou noir de rationalité fait penser à celui que nous trouvons dans la théorie de la victime émissaire. C'est parce que je ne dévoile pas le mécanisme du bouc émissaire que le bouc émissaire fonctionne.(on peut penser au conte des habits du roi aussi...) La convention comme le processus victimaire est ce qui me permet d'oublier ma méconnaissance fondatrice.
Afficher l'image d'origine
La convention élabore un système de rationalisation partagée. Si je remets en cause la convention, l'espace social peut redevenir un lieu de tension et de violence.

Comme chez René Girard où le fait de s'interroger sur la victime et de ne pas accepter le mécanisme victimaire renvoie à la violence sociale. le sujet n'est plus alors le désir mais la raison.
La modernité dans ce cadre peut être vue comme illusion de sa propre autonomie de rationalité et sa foi que les sociétés sont fondées dessus. Or plus il y a autonomie apparente de l'acteur, plus il se réfère à des systèmes de croyances communes. L'époque moderne a aboli les grands systèmes partagés. Nous démultiplions les lieux de croyances. (Les marchés, les qualités, les forces, les stratégies.)


 Je souhaite aller plus loin en lisant ce document qui regroupe des articles de P-Y Gomez sur ces théories.






encore une vidéo pour continuer...






jeudi 1 octobre 2015

Olivier Rey contre l'extended order - exemple urbanistique

Vous trouverez plus bas une conférence d'Olivier Rey. Deux choses y ont retenues mon attention.
Si le départ ressemble beaucoup à ce que j'ai pu présenté de lui sur une note différente (), en particulier sur la question de la proportion de notre époque moderne boursoufflée, je retiens sa remarque sur Hayek et l'illustration de sa thèse sur le domaine de l'architecture et de l'urbanisme. Il n'en est nullement spécialiste mais il tente le lien dans le cadre d'une conférence dans une école d'architecture.
Avant de filer la métaphore avec l'architecture, il développe l'idée d'un libéralisme coupant l'homme en deux et lui demandant d'en sacrifier une partie pour le bien de  la seconde et de la communauté globale. Voyons les conséquences de ce sacrifice. Aussi bien direct qu'indirect.


La remarque sur Hayek (entre 42 et 50 environ)
Rey rappelle qu'Hayek oppose les sociétés traditionnelles aux grandes sociétés modernes ouvertes (qu'il appelle "extended order" ). Il les oppose en liant la première aux émotions humaines et la seconde à la raison. L'extended order demande des manières de vivre et de penser totalement différente, d'aller contre les émotions, cela est difficile. Ce passage de la société organique à cet ordre est le moteur de l'histoire tragique de l'occident. La recherche de l'unité vécue au niveau de l'individu et de la société ne se fait pas sans blessures profondes. L'extended order favorise un processus d'individualisation qui lui même entre en conflits avec les formes de vie communautaires.

"le conflit entre ce que les hommes aiment instinctivement et les règles de conduite apprises qui leur ont permis de de développer est peut être le thème majeur de l'histoire de la civilisation"

Nous sommes habités par des conflits très profonds, reconnait Hayek. Que faire de ce qui dans nos vies exige la communauté dans un ordre incapable de réponde à ses aspirations ? Hayek répond en restreignant les aspirations, en les faisant taire. Sinon, on grippe le mécanisme libéral. Adaptons nous au système libéral et ce à grande échelle.
Rey conclue qu'un ordre demandant de tel sacrifice n'est pas souhaitable...

Et vous ?

Effet de l'extended order sur l'urbanisme.
On peut lire cette problématique de l'ordre étendu dans l'urbanisme par le duo gratte ciel-extension pavillonnaire. Les tours sont le symbole de l'ordre étendu et les extensions pavillonnaires en sont le signe de la frustration. Mais ces extensions deviennent elle-même hubris par leur gigantisme (et leur laideur).
Les programmes de logement furent une tentative de répondre à la catastrophe pavillonnaire.
L'emblème dans cette idée et de sa fin est le programme Pruit-Igoe de Saint Louis dans le Missouri.

Ce quartier était la fine fleur des règles modernes, son  penseur Yamasaki a reçu une grande notoriété ce qui lui a valu d'être appelé pour construire le World Trade Center à New York.
(Ses deux plus célèbres constructions sont désormais détruites.)
Ce fut un échec, délabrement rapide jusqu'à sa destruction en 72 moins de 20 ans après sa construction. (L'habitation est autant protection qu'ouverture...)
Gigantisme, artificialité et image de la mort du modernisme. Vient alors le postmodernisme, qui est en même temps radicalisation du modernisme et le doute de son propre mouvement.


Nos contemporains sont souvent face à un désarroi idéologique quand nos sociétés font face  aux conséquences négatives du développement. Que faire ?
Être fidèle aux principes, se sentir démuni face aux malheurs...et consentir aux sacrifices...
Ou au nom de ces maux, rejeter les principes, et se sentir orphelin des progrès ...
Pour échapper à cette alternative paralysante, il faut s'interroger sur l'échelle d'application des principes. Le principe de proportionnalité ne bride pas l'ingéniosité humaine. Intégrons la question de la proportion afin de nous éviter toutes les prises d'otages idéologiques. C'est un des grands messages d'Olivier Rey.
Évitons tous les sacrificateurs de communion libéraux et acceptons les paradoxes, soyons assez subtils pour intégrer la proportionnalité dans tous les domaines de nos vies.



plus bas, petite prise de note....